TRANSMISSION D’ENTREPRISE : UNE TAXATION DIMINUÉE DE 75% GRÂCE AUX PACTES DUTREIL
S’ENGAGER DANS LE TEMPS
Parmi les nombreuses conditions pour bénéficier de l’exonération de 75% : celles des engagements de conserver les titres ou l’entreprise transmise, par le donateur puis par les bénéficiaires de la transmission.
Ce sont les fameux « pactes » Dutreil, destinés à assurer une certaine stabilité de l’entreprise transmise.
L’engagement du donataire
Le donataire doit avoir détenu l’entreprise pendant une durée d’au moins 2 ans avant la transmission. Cette détention doit être formalisée dans un pacte, dit « engagement collectif de conservation », en cours à la date de la transmission, par acte sous seing privé ou par acte notarié. L’engagement est pris par le donateur seul ou avec ses associés, et doit porter sur au moins 17% des droits financiers et 34%des droits de vote dans les sociétés non cotées. Ces seuils doivent être respectés pendant toute la durée de l’engagement.
Lorsque la transmission porte sur une entreprise individuelle ou unipersonnelle (EURL, SASU), l’engagement ne peut, par définition, être collectif. On parle alors d’engagement unilatéral de conservation.
Lorsque la société transmise est détenue par le donateur à travers une holding, l’exonération liée au pacte Dutreil ne fonctionne qu’à la condition que le donataire détienne au moins un titre en direct dans la société transmise, la société opérationnelle, et qu’il ait conclu un engagement à raison de ce ou ces titres.
L’engagement de l’héritier
À l’issue de l’engagement collectif, les héritiers, donataires ou légataires doivent chacun souscrire un engagement individuel de conservation des titres pour lesquels l’exonération est demandée. Cette autre pièce maitresse des pactes Dutreil engage le repreneur pour une durée de 4 ans.
En cas de pluralité d’héritier, leurs engagements sont indépendants les uns des autres : si l’un d’eux ne respectepas son engagement, la remise en cause de l’exonération partielle qui en découle n’atteint pas les autres bénéficiaires.
QUI DOIT DIRIGER L’ENTREPRISE ?
L’exercice d’une fonction de direction par le « transmetteur » puis par le repreneur est une condition au centre du dispositif des pactes Dutreil.
Ces conditions d’exercice et de durée viennent d’être modifiées. Il convient donc d’être attentif à cet élément, faute de quoi l’exonération pourrait être remise en cause dans son intégralité. L’esprit de la loi est que l’entreprise transmise doit être dirigée par l’une ou l’autre des parties à la transmission.
Avant et après la transmission
Cette condition s’apprécie sur plusieurs phases. Avant la transmission : elle concerne le donateur signataire d’un engagement collectif (ou unilatéral) de conservation. À partir de la transmission, cette fonction doit être assurée pendant au moins 3 ans par les héritiers, donataires, légataires. Pendant cette durée, il n’est pas exigé que la fonction soit exercée par la même personne. Une vacance de 3 mois est d’ailleurs tolérée.
Lorsque le pacte est réputé acquis (quand les conditions relatives à l’engagement collectifs sont remplies), le donateur ne doit plus exercer de fonction de direction après la transmission. Cette condition revient au donataire, héritier ou légataire. Ainsi, il n’est plus possible d’envisager une cogérance partagée entre l’ancienne génération et la nouvelle, pratique qui permet pourtant d’assurer une transition entre les dirigeants. Rien n’empêche alors l’ancienne génération d’accompagner le repreneur en tant que consultant externe, à condition de ne pas avoir un rôle prépondérant dans la prise de décision.
Lorsqu’un engagement collectif a été signé, la fonction de direction peut encore être exercée par un signataire de cet engagement sous réserve qu’il ait gardé au moins un titre et que ce titre soit encore soumis à un engagement collectif. Dans le cas contraire, si l’intégralité des titres a été transmise, la fonction de direction doit être assumée par un des bénéficiaires de la transmission.
Quelles fonctions ?
Les fonctions visées sont les suivantes : si l’entreprise transmise est une société soumise à l’impôt sur les sociétés, elles visent le gérant d’une SARL, le président, le directeur général, le président du conseil de surveillance ou le membre du directoire d’une SA ou SAS. Si l’entreprise est une société soumise à l’impôt sur le revenu ou une entreprise individuelle, il convient d’y exercer son activité principale.
UNE EXONÉRATION DE 75%
C’est un dispositif très efficace pour favoriser la transmission des entreprises familiales : les pactes Dutreil. Depuis 2003, ce mécanisme permet de donner ou de transmettre par succession une entreprise et de bénéficier d’une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit à hauteur de 75% de la valeur de l’entreprise.
Compte tenu de l’ampleur de l’économie d’impôt procurée, le dispositif est entouré de très nombreuses conditions, tour à tour assouplies par le législateur au gré des lois de Finances. Mais l’administration fiscale veille aussi à son application stricte, au risque d’ajouter des conditions qui ne figurent pas dans la loi.
Toutes les entreprises ?
Le dispositif concerne aussi bien les entreprises individuelles que les entreprises constituées sous forme de société : SARL, EURL, SAS, SASU, SA, etc… Dans ces derniers cas, pour que l’exonération s’applique, la transmission devra porter sur au moins 17%des droits financiers et 34% des droits de vote des titres ou parts sociales de la société.
Enfin, l’exonération s’applique aussi bien aux transmissions en pleine propriété, en usufruit qu’en nue-propriété.
L’exclusion de la location meublée
Les Pactes Dutreil s’appliquent aux transmissions d’entreprise exerçant une activité commerciale, artisanale, industrielle, agricole ou libérale. L’activité civile est donc exclue du champ d’application des pactes Dutreil.
Qu’en est-il de la location meublée ? Alors qu’elle est considérée comme une activité commerciale à l’égard de l’impôt sur le revenu, l’administration fiscale vient de faire savoir que l’activité de location de locaux meublés à usage d’habitation est expressément exclue du champ du pacte Dutreil ; ce qui ne serait pas le cas lorsqu’elle est accompagnée de services.
Cette position applicable depuis le 6 avril 2021 est vivement contestée par les spécialistes qui en attendent une révision. Affaire à suivre donc.
En revanche, il n’est pas exclu que l’entreprise ait une activité dite mixte : une activité commerciale et en parallèle une activité civile, de gestion de patrimoine par exemple. C’est le cas des holdings. Toutefois, l’activité civile ne doit pas être prépondérante. Cela signifie que l’activité éligible doit représenter 50% du chiffre d’affaires total, et que la valeur vénale des éléments de l’actif brut immobilisé et de l’actif circulant de l’activité éligible doit représenter 50%.