MARIAGE ET ASSURANCE-VIE : ATTENTION AUX FONDS COMMUNS
LES COUPLES MARIÉS SOUS LE RÉGIME LÉGAL
89% des couples mariés en France sont placés sous le régime matrimonial légal. À défaut d’avoir choisi un contrat de mariage, leurs relations patrimoniales sont soumises aux règles régissant la communauté de biens réduite aux acquêts.
Des biens propres…
Selon ce régime, les biens acquis par chacun des époux avant le mariage restent des biens propres à chacun. Il s’agit des biens possédés par un époux avant le mariage et des biens reçus par donation ou succession par un époux pendant le mariage. Il peut également s’agir de bien acquis par un époux durant le mariage, avec des fonds provenant d’une succession ou de la vente d’un bien propre.
… ou des biens communs ?
En revanche, les biens acquis par chaque époux pendant le mariage – sauf bien acquis avec le produit de la vente d’un bien propre – et les revenus tombent dans la communauté. Cette règle s’applique autant aux revenus professionnels qu’aux revenus générés par des biens propres comme des loyers d’un bien immobilier propre à un époux, ou les intérêts produits par un portefeuille d’obligations propre à un époux. En tombant dans la communauté, ces biens et revenus sont considérés comme appartenant à chacun pour moitié.
Dans un régime de communauté de biens réduite aux acquêts, tous les revenus sont considérés comme étant des biens communs. Ainsi, lorsque l’époux alimente son contrat d’assurance-vie avec l’excédent de ses revenus, la prime provient des fonds communs. En conséquence, les capitaux versés sont considérés comme étant issus de fonds communs, ils constituent donc un bien commun, détenu à parts égales par chaque époux.
ASSURANCE-VIE ET DIVORCE
Quel est le sort des capitaux du contrat d’assurance-vie commun au couple en cas de divorce ? Le divorce ne met pas automatiquement fin au contrat d’assurance-vie. L’époux souscripteur en conserve la propriété.
Toutefois, le divorce peut donner lieu à des comptes sur les capitaux épargnés.
En cas de communauté réduite aux acquêts
Lorsque le couple qui divorce était marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, la valeur de rachat du contrat, c’est-à-dire la somme des primes versées et des intérêts générés – est considérée comme un bien commun si elle a été alimentée par des fonds communs. Plus précisément le capital est un actif de communauté, et les intérêts des acquêts. Cette valeur au jour du divorce doit être intégrée à l’actif de communauté partagé entre les époux. Autrement dit, le titulaire du contrat doit rembourser ex-époux ou ex-épouse la moitié de la valeur capitalisée.
En cas de séparation de biens
Dans un régime de séparation de biens, la frontière entre les biens propres et les biens communs est parfaitement étanche. Les revenus perçus par chacun des époux restent des biens propres, quel que soit leur usage ou investissement. S’ils ont été placés sur un contrat d’assurance-vie, ces fonds restent la propriété de l’époux titulaire du contrat. Pour que cette règle soit applicable sans contestation, il convient néanmoins que l’autre époux n’alimente pas le contrat.
La clause de remploi pour tracer les fonds propres
La confusion des patrimoines des époux en cours de mariage, lorsque le couple est placé sous le régime de la communauté, peut créer des difficultés au moment du divorce. Ainsi, plusieurs précautions peuvent être prises en amont par le couple, pour que les choses soient claires et les patrimoines parfaitement identifiés.
L’outil principal de distinction des patrimoines réside dans la clause de remploi. En vertu de cette clause, l’époux qui verse sur son contrat d’assurance-vie des fonds qu’il a reçus par donation ou succession peut procéder à une déclaration d’emploi ou, lorsque les fonds proviennent de la vente d’un bien propre, une déclaration de remploi des fonds.
En renseignant sur l’origine des fonds et sur l’intention intention d’effectuer un tel emploi ou remploi, cette déclaration identifie la nature des fonds (propres) qui le restent. Cette déclaration peut également s’effectuer à chaque versement de prime. La traçabilité des sommes est ainsi assurée et les fonds versés sur le contrat ne tombent ainsi pas dans la communauté partageable au moment du divorce.
DÉCÈS DANS LE COUPLE : LE SORT DES CAPITAUX
Lorsque le couple est marié sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, les fonds qui ont alimentés le contrat d’assurance-vie sont communs sauf en présence d’une clause de remploi.
En dehors de ce cas, ils sont donc considérés comme appartenant pour moitié à chaque époux. Cette qualification peut être à prendre en compte lorsqu’un décès survient dans le couple.
Décès du souscripteur
Au décès du titulaire du contrat, si le conjoint survivant est le bénéficiaire, celui-ci recueille les capitaux qui deviennent pleinement ses biens propres. Il n’a pas de récompense à verser à la communauté constituée avec son époux décédé, donc rien à la succession de celui-ci.
En revanche, si le bénéficiaire du contrat n’est pas le conjoint survivant et que le contrat a été alimenté avec des fonds communs, une récompense doit s’appliquer au profit de la communauté. En conséquence, au moment du partage de la communauté par le décès, le conjoint survivant qui n’est ni le souscripteur du contrat ni son bénéficiaire, a droit à la moitié de la valeur des primes versées dans le contrat d’assurance-vie. La déclaration de succession du souscripteur décédé doit intégrer une dette au profit de l’époux survivant. Cette règle est destinée à protéger le conjoint survivant qui ne doit pas être appauvri au profit d’un tiers. Là encore, le mécanisme de co-souscription permet d’éviter d’avoir à verser une récompense à la communauté, notamment lorsque le bénéficiaire sont les enfants du couple.
Décès du conjoint du souscripteur
Si en revanche, le conjoint désigné bénéficiaire décède avant le souscripteur, le contrat n’est pas dénoué. Toutefois, s’agissant de biens communs aux deux époux, la moitié des fonds du contrat d’assurance-vie est présumée appartenir au conjoint décédé. Dès lors, la moitié doit être intégrée dans l’actif de la succession du conjoint décédé.
Cette transmission bénéficie d’une neutralité fiscale. En effet, pour les successions ouvertes depuis 2016, la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie ne constitue pas, dans ce cas précis, un élément de la succession pour le calcul des droits de succession dus par les héritiers de l’époux prédécédé.
QUELS POUVOIRS DES ÉPOUX SUR LE CONTRAT D’ASSURANCE-VIE ?
Chaque époux a le droit de souscrire seul un contrat d’assurance-vie, de choisir son bénéficiaire, de procéder à des rachats, de faire des avances et d’alimenter son contrat, sous réserve d’avoir préalablement contribué aux charges du mariage. Est-ce que le régime matrimonial peut impacter cette liberté ?
Changer le bénéficiaire
Le principe veut qu’un époux qui souscrit seul peut choisir un ou plusieurs bénéficiaires et modifier cette clause bénéficiaire. Qu’en est-il lorsque les primes proviennent de fonds communs ? Et que le bénéficiaire du contrat est un tiers ? Les fonds étant communs, l’accord des deux époux est-il nécessaire ?
La Cour de cassation a répondu à cette question en 2006, dans le cadre d’un régime de communauté universelle. Une épouse avait procédé seule à la modification de la clause bénéficiaire en cas de décès, remplaçant son mari par ses propres frères et sœurs. Son époux considérait que ce changement constituait un acte que son épouse ne pouvait pas accomplir seule (une disposition à titre gratuit d’une créance sur la communauté). Il réclamait donc la nullité de cette modification. Les juges lui ont refusé, jugeant que le changement de bénéficiaire par l’épouse n’excédait pas ses pouvoirs de gestion et d’administration des biens communs.
La co-souscription pour la double signature
Pour éviter tout conflit autour du changement de bénéficiaire lorsque les primes sont issues de fonds communs, les époux peuvent choisir de co-souscrire au contrat. Co-souscription, co-adhésion, ou encore souscription conjointe : le contrat est détenu par les deux époux, qui sont co-souscripteurs et co-assurés. Ttoutes les opérations (versement, rachat, modification de la clause bénéficiaire) sur le contrat réclament la double signature.
Dans ce cas, deux possibilités co-existent. Soit le contrat prévoit un dénouement au premier décès dans le couple : le capital est alors versé aux personnes désignées dans la clause bénéficiaire. Soit le contrat prévoit un dénouement au second décès dans le couple. Le premier décès est sans effet sur le contrat qui se poursuit, avec un seul titulaire, le conjoint survivant.