IFI : LA PREUVE DE LA RÉSIDENCE SÉPARÉE DES ÉPOUX

Pour avoir droit d’effectuer des déclarations individuelles d’IFI, les époux doivent justifier de leurs résidences séparées par des documents qui seront passés au crible par le juge.

Sur le plan fiscal, le divorce a notamment pour effet de mettre fin à la déclaration commune des ex époux, en matière d’impôt sur le revenu comme en matière d’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Cette situation entraine une économie d’IFI puisque l’appréciation du seuil d’assujettissement à l’IFI de 1,3 million d’euros et l’application du barème s’effectuent par époux – auquel il convient d’ajouter le patrimoine des enfants mineurs dont ils ont l’administration légale des biens – et non plus au regard du patrimoine du couple. Il peut donc être tentant pour certains couples en instance de divorce d’anticiper la séparation définitive pour se prévaloir de l’obligation de déclaration fiscale séparée.

Les faits, rien que les faits

Selon la loi, les époux sont autorisés à procéder à des déclarations séparées dans deux situations : lorsqu’ils sont séparés de bien et ne vivent plus sous le même toit, ou lorsqu’ils sont en instance de séparation de corps ou de divorce et qu’ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées. En cas de contrôle ou de contentieux, l’administration fiscale et le juge ne s’en tiennent pas aux déclarations des ex-époux contribuables mais se penchent sur la réalité des faits.

Un arrêt récent, rendu en matière d’ISF mais dont la solution est transposable à l’IFI, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 31 août 2021 (n° 18/18315) rappelle parfaitement que les époux ou ex-époux doivent apporter la preuve de la réalité d’une vie distincte.

Madame X, veuve, a fait l’objet d’un redressement fiscal au titre des années 2006 à 2012 pour ne pas avoir inclus le patrimoine de son époux dans sa déclaration d’ISF. Le montant des droits et pénalités s’élevait à la somme de 249.000 euros.

La veuve faisait valoir qu’elle ne vivait plus sous le même toit que son époux depuis 1998. À l’appui de son affirmation, elle avait produit une série de documents : attestations de voisins, taxe d’habitation et factures d’eau à son nom, contrat de gaz souscrit en 1998 pour cette adresse, attestation de non-conciliation de 1996, attestation d’une femme faisant état de la relation de concubinage entre 2004 et 2011 avec son époux jusqu’au décès de celui-ci, déclaration de succession mentionnant l’adresse séparée des époux au jour du décès, relevés bancaires, versement de la pension au titre du devoir de secours qui s’est poursuivi jusqu’au décès en application de l’ordonnance de non-conciliation sur un de ses comptes personnels.

Fact-cheking des juges

En première instance, les juges du TGI d’Aix en Provence se sont livrés à une vérification des ces éléments et de ceux avancés par l’administration fiscale pour conclure que Madame X ne rapportait pas suffisamment la preuve d’une résidence séparée.

Les juges ont retenu que les époux avaient rempli, ensemble et en déclarant la même adresse pendant cette période, leurs déclarations d’impôt sur le revenu et où le domicile dans lequel Madame X se prétend domiciliée est mentionné comme une résidence secondaire. Ils ont également fait valoir que l’ordonnance de non-conciliation n’avait pas été suivie de l’engagement d’une procédure au fond dans le délai ; dès lors elle était caduque et l’attestation de Madame Z n’établissait pas pour autant l’existence d’une résidence séparée de Mme X avec son époux.

Les juges d’appel ont au contraire considéré que la preuve de la résidence séparée des époux était apportée, malgré les déclarations communes d’impôt sur le revenu en tant que couple sur plusieurs années et sans interruption. Ils se sont fondés sur la déclaration de succession sur laquelle figurent deux domiciles distincts, les attestations de voisins, la preuve de sa domiciliation de Madame X à l’égard de la CPAM dès 2006, à l’égard également de son employeur dès 2005 et jusqu’en 2013.

S’y ajoutaient : ses factures d’assurance de cette adresse comme résidence principale depuis 1999, ses factures de consommation d’eau à cette adresse ainsi qu’une nouvelle attestation de la compagne de son marié décédé ainsi que des documents corroborant la réalité de cette domiciliation (bulletins de salaires de 2005 à 2011 et déclarations fiscales). En conséquence, Madame X a été déchargée de son imposition.

Il convient donc de documenter précisément la réalité de la résidence séparée de la façon la plus concrète et factuelle possible, par une diversité de documents concordants.